La rotation de Mercure est étudiée à l'Observatoire Royal de Belgique,
particulièrement la résonance spin-orbite et les librations. La connaissance
de ces phénomènes et leurs observations permettra de résoudre certaines questions
sur Mercure, comme par exemple « Comment est sa structure interne? ».
La résonance spin-orbite
La révolution de Mercure autour du Soleil dure 87,969 jours terrestres.
La période de rotation diurne est de 58,646 jours terrestres.
Il se trouve que cette période est exactement égale aux 2/3 de la révolution de Mercure autour du Soleil.
Mercure fait trois tours sur elle-même pendant qu'elle tourne deux fois autour du Soleil,
c'est ce qu'on appelle une
résonance
spin-orbite 3/2.
Visualiser ce phénomène.
Mercure est l'unique planète en rapport de résonance asynchrone (c'est à dire en rapport
d'entiers qui ne soit pas 1/1). En 1889, Schiaparelli affirme que la période
de rotation diurne de Mercure est de 87,969 jours terrestres.
En effet, après plusieurs années d'observation de Mercure, il avait remarqué que
la planète présentait toujours la même face au Soleil, comme la Lune avec la Terre,
il en avait conclu que Mercure était synchronisée avec le Soleil. Cette conclusion erronée
est due au fait qu'à chaque fois que Mercure était la mieux placée pour être observée,
elle présentait la même face ; ceci est bien le cas pour la résonnance 3/2,
mais ce serait le cas aussi si Mercure était totalement synchronisée avec le Soleil.
Cette erreur d'observation est dûe à la résonance 6:4:3 entre les périodes
synodique,
orbitale et de rotation de Mercure. Dans les années 60, on commença à observer Mercure avec des radars ; les températures relevées du côté de la planète censé être toujours à l'ombre étaient trop importantes pour que cette face sombre ne soit pas exposée au Soleil. En 1975, la sonde
Mariner 10
apporta une meilleure précision en mesurant une période de rotation diurne de 58,646 jours terrestres.
Les librations
Les librations de Mercure sont les petites oscillations régulières de Mercure autour de son axe de rotation.
Elles sont principalement dues à l'aplatissement de Mercure, à sa rotation sur elle-même et à
l' excentricité
de son orbite. Les Lois de Kepler nous disent que la vitesse de Mercure varie selon son emplacement sur
l'orbite; plus elle est proche du Soleil, plus sa vitesse est importante. Dans le cas de Mercure,
l'excentricité est importante, il y a donc des variations de vitesse non négligeables lors de sa révolution
autour du Soleil. Le bourrelet équatorial n'est pas toujours aligné dans la direction du Soleil,
ce qui provoque une force de rappel et des librations. La libration principale de Mercure est de
période égale à 88 jours et son amplitude est d'environ 35
secondes d'arc
ce qui équivaut à un déplacement de 400 mètres à la surface à l'équateur.
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Il existe d'autres types de librations : les librations libres et les librations forcées dues à la
présence de Vénus et Jupiter.
L'étude de l'amplitude des librations est extrêmement intéressante car elle dépend de l'état du noyau.
Cette dépendance a été mise en évidence par Peale, en 1976.
Depuis, elles ont été mesurées par l'équipe de Jean-Luc Margot en 2007 et
la sonde BepiColombo les mesurera avec une précision encore plus importante.
Visualiser ce phénomène.
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Les librations de Mercure
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L'expérience de Peale
Peale découvrit, en 1976, une formule qui à partir de la mesure de certaines caractéristiques de
Mercure (paramètres C
20 et C
22, décrivant le champs gravitationnel,
l'obliquité et l'amplitude de libration) donne des propriétés de la structure interne de Mercure.
En effet, elle permet de calculer la valeur des
moments d'inertie
de la planète : A, B, C et C
m.
Définissons plus en détails ces paramètres :
- L'obliquité est l'angle entre l'axe de rotation de Mercure et la perpendiculaire à son plan orbital
- L'amplitude de libration est la taille des oscillations de Mercure autour de son axe de rotation
- C20 et C22 sont des paramètres qui caractérisent le champ gravitationnel ;
ils mesurent la répartition des masses à l'intérieur de Mercure et l'aplatissement
de Mercure dans toutes les directions (aplatissement équatorial et aplatissement polaire) ; plus leur valeur absolue
est grande, plus la planète est aplatie.
- A, B et C sont les moments d'inertie de la planète. Cm est le moment polaire d'inertie du manteau,
Cnoyau est le moment d'inertie polaire du noyau et C est le moment de toute
la planète, avec C somme de Cm et de Cnoyau .
Si le noyau est liquide C
m/C vaut 0,5 et s'il est solide C
m/C vaut 1.
Par la formule de Peale, on peut déterminer la valeur de C
m/C .
D'autres formules nous permettent d'exprimer A, B et C en fonction
de C
20, C
22 et l'amplitude de libration.
f(e) est une fonction de
l' excentricité orbitale de Mercure
φ est l'amplitude de libration
ε est l'amplitude de l'obliquité
L'expérience MORE (Mercury Orbiter Radioscience Experiment) de BepiColombo mesurera avec précision la valeur de C
20, C
22.
L'amplitude de libration et l'obliquité seront déduites de l'expérience de Géodésie MORE, conjointement
avec l'utilisation de la caméra et du "startracker" qui permettra de s'orienter par rapport aux étoiles.
L'expérience de Peale révèlera avec certitude l'état du noyau.
Les observations radars
En 2007, Jean-Luc Margot et son équipe ont étudié la libration de Mercure et l'ont observée par radar.
Les chercheurs utilisent de larges téléscopes pour mesurer les variations dans le mouvement
de rotation diurne de Mercure. Ils envoient un signal radar puissant depuis la Terre dont
ils récupérent l'écho avec deux téléscopes. Ils mesurent le temps mis entre la réception des
signaux aux deux endroits différents. Cette technique (Radar Speckle Displacement
Interferometry RSDI) leur a permis de calculer la rotation de Mercure, son obliquité :
126,6 secondes d'arc ± 6 secondes d'arc et son amplitude de libration : 35 secondes d'arc ± 2 secondes
d'arc. L'amplitude de libration est deux fois plus importante que ce à quoi ils s'attendaient pour un corps
solide. La valeur mesurée peut par contre convenir pour une planète à noyau liquide, car celui-ci
n'est pas forcé de suivre le manteau solide dans sa rotation.
Une petite planète comme Mercure aurait dû se refroidir rapidement, le noyau aurai
dû « geler » il y a déjà longtemps.
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Les expérience de Jean-Luc Margot (crédits: http://www.news.cornell.edu
/stories/May07/margot.mercury.html et NASA)
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Pour maintenir un noyau liquide pendant des millards d'année, il faut la présence d'un élément léger,
comme le soufre, dans le mélange de fer qui constitue le noyau. Ce mélange abaisse la température
de solidification du noyau par rapport à celle du fer pur. Le noyau peut donc rester liquide plus
longtemps que s'il était en fer pur. Jean-Luc Margot conclut de ses observations qu'on peut dire avec
une certitude de 90% que Mercure a un noyau liquide.